mercredi 1 juin 2011

ONG-BAK: Entretien avec Tony Jaa (Pusan 2003)

Tony Jaa est né sous le nom de Panom Yeerum dans la province de Surin, située à peu près à 200 km de Bangkok. Passionné par les arts martiaux depuis son enfance, il y consacre toute son énergie depuis l’âge de 10 ans. Adolescent, il découvre le film “Born to fight” réalisé par le réalisateur-cascadeur Panna Ritthikrai qui deviendra son maître, quelques années plus tard. Après avoir débuté par des taches diverses sur des productions locales, il a l’occasion en 1997 de doubler Robin Shou dans la production hollywoodienne Mortal Kombat 2. Il double également par la suite, la star locale James Ruengsak Loichusak et travaille sur la série télévisée In See Dang. Le succès sans précédent de Ong-Bak a fait de Tony Jaa, la star n°1 du cinéma d’action en Thaïlande.

Tony Jaa: photo promotionnelle pour "Ong-Bak" (2003)

Frédéric Ambroisine: Depuis quand pratiquez-vous le « Muay Thaï », et qu'est-ce qui vous a décidé à vous lancer dans le cinéma ?

Tony Jaa: Avant d'en arriver au « Muay Thaï », j'ai étudié une multitude d’autres types d'arts martiaux. Dans un premier temps, c’est le cinéma qui m’a éduqué. J'ai en effet visionné une tonne de films où étaient pratiqués le « Karaté » (art martial japonais), le « Kung Fu » (art martial d’origine chinoise), le « Krabi Krabon » (art martial thaï à partir duquel fut créé le « Muay Thaï»), le «Kendo » (art martial du maniement du sabre japonais). La majorité de ces œuvres étaient des productions asiatiques. J'ai tenté d'assimiler toutes ces techniques de combats en observant attentivement et en m’entraînant sans relâche pour appliquer les connaissances que j’avais emmagasinées. J'ai ensuite rejoint une école d'arts martiaux, qui se concentrait surtout sur le « Muay Thaï ». Mais c’est ma rencontre avec Panna Rithikrai,  mon maître, qui a été déterminante en ce qui concerne cet art martial.  Il m’a prodigué un véritable entraînement. C'est avec lui que j'ai commencé à pratiquer de façon plus sérieuse. Et c’est précisément pour mon rôle dans Ong-Bak que je me suis mis à 100% au « Muay Thaï ».

1er poster international de "Ong-Bak" (2003)

FA: Le « Muay Thai » est un art martial, qui fut montré précédemment à l'écran, mais de façon beaucoup moins spectaculaire que dans Ong-Bak. Aviez-vous vu auparavant des films où était pratiqué le « Muay Thaï » ? Si oui, qu'avez-vous apporté de plus par rapport à ces derniers ?

TA: En fait, j'ai surtout regardé des films d'arts martiaux interprétés par mes idoles, Bruce Lee, Jet Li et Jackie Chan, qui sont surtout des films de « Kung-Fu ». En voulant montrer le « Muai Thaï » à l'écran, je désirais apporter quelque chose de différent et de nouveau dans le domaine du film d'action en Thaïlande. J'ai regardé beaucoup de films d'arts martiaux, et pas seulement ceux montrant du « Muay Thaï ». Sur les conseils avisés de Panna Rithikrai, nous nous sommes dit  qu’il fallait trouver un style de film spécifique au « Muay Thaï ». Il m'a alors suggéré d'adapter les arts martiaux chinois à mon propre style. 

"Ong-Bak" (2003)

FA: Vous avez été engagé en tant que cascadeur sur une production américaine, Mortal Kombat : Annihilation de John R. Leonetti. Cinq ans plus tard, vous êtes acteur principal et instructeur de combat sur Ong-Bak. Qu’avez-vous à dire sur cette évolution ? 

Pour ce deuxième opus de Mortal Kombat, je me suis présenté à un casting  parmi plus d'une centaine de personnes. Il y eut une première sélection où furent choisies les 10 meilleurs et j’en faisais partie. Je remportais la seconde haut la main, grâce aux performances de réaction aux coups de poings et aux coups de pieds que l’on exigea de moi. A l'époque je pratiquais surtout le « Kung Fu », et je me débrouillais plutôt bien : lors de ce « screen test », le directeur de casting et la production se sont exclamés « Oh My God ! » ; ils me trouvaient très cynégétique et étaient impressionnés par la rigueur et la maîtrise de mes différents mouvements. Je fus très heureux de cette expérience bien que je fusse toujours à l'arrière plan dans le film. J'ai eu le rêve d'être acteur, maintenant que j'y suis arrivé, que j'ai atteint ce statut, je suis vraiment heureux.

"Ong-Bak" (2003)

FA: Dans Ong-Bak, les séquences techniques classiques de « Muay Thaï », sont accompagnées de cascades à la fois folles et spectaculaires qui dépassent le cadre des arts martiaux, où vous courez et vous sautez dans tous les sens. Quels sont les autres activités sportives que vous avez pratiquées pour arriver à ce niveau d’efficacité ?

Avant d'en arriver là, j'ai dû étudier, étape par étape, le style dit «  ancien » du « Muay Thaï » dont l'apprentissage est très éprouvant. Il faut savoir tomber, se relever, utiliser ses genoux, ramper, glisser, rouler, savoir enchaîner tous ces mouvements par cœur, tel un proverbe, et pouvoir l'appliquer ensuite. Le « Muay Thaï » dans sa forme ancienne utilise toutes sortes de figures acrobatiques. Mon maître utilisait un bâton pour que je mette en application cette apprentissage, comment bloquer les coups, réveiller mes réflexes, être très dynamique, souple, savoir éviter les coups… Et J'ai combiné tout cela avec la gymnastique. Ong-Bak montre beaucoup de techniques de « Muay Thaï » qui n'ont jamais été vues auparavant, ni au cinéma, ni même dans la vie réelle car il s'agit d'une forme de « Muay Thaï » traditionnelle, encore très peu connue du public. Cet art m'a demandé cinq années de recherche et de pratique. La plupart des  coups spéciaux que j’utilise dans Ong-Bak ne sont pas utilisés dans les matchs, car trop dangereux. Il reste encore beaucoup de techniques à découvrir. Il y a beaucoup de règles à respecter dans le « Muay Thaï » classique. Pour mon prochain film Tom-Yum-Goong, j'utiliserai des techniques de « Muay Thaï » plus difficiles et dangereuses que celles vues dans Ong-Bak, qui se devront d'être plus spectaculaires aux yeux du public. 

"Ong-Bak" (2003)

FA: Il est évident que vous allez bientôt avoir des propositions de tournage en occident. Que pensez-vous des stars asiatiques du film d'action qui jouent actuellement dans des productions de type hollywoodien telles que Jet Li et Jackie Chan ? Et en particulier de la différence entre les films qu'ils tournent à l'étranger et dans leur pays d'origine ?

Je serais très heureux si j’avais l'opportunité de pouvoir tourner à l'étranger. Les films asiatiques des acteurs de Hong Kong à Hollywood sont bien différents, mais si les films qu’ils faisaient en Asie étaient bons, ceux faits aux Etats-Unis peuvent être tout aussi bons : la même qualité mais avec plus de moyens. Je n'avais jamais imaginé que Ong-Bak obtiendrait un tel succès. Je suis vraiment très heureux, je ferai de mon mieux pour faire le meilleur boulot possible à l’avenir. 

Une autre photo promo de Tony Jaa pour "Ong-Bak" (2003)

FA: A Hollywood, des stars comme Jackie Chan sont contraintes d'utiliser des câbles ou des doublures pour des raisons de sécurité alors qu'à Hong Kong, ils étaient autonomes. Si vous étiez obligé d'en utiliser que feriez-vous ?

L'originalité de Ong-Bak est justement le fait que je n'utilise ni câbles, ni  doublures. C'est le réalisme de l'action qui a fait le succès du film. C'est sa principale qualité. Si je tournais avec des protections, je ne donnerais pas le meilleur de moi-même. 
"Ong-Bak" (2003)

FA: Comment s’est déroulé votre collaboration avec le réalisateur ? 

Le réalisateur Pracha Pinkaew, mon maître et moi-même avons beaucoup discutés sur la façon dont les scènes de Ong-Bak devaient être tournées d'un point de vue cinématographique et d'un point de vue technique au niveau des arts martiaux. L’objectif principal était que la star du film soit le « Muay Thaï ».

 Avec Prachya Pinkaew, Tony Jaa & Pumwaree Yodkamol (Pusan 2003)


Interview réalisée par Frédéric Ambroisine le 9 octobre 2003 au « Festival International du Film de Pusan ». Remerciements à Gilbert Lim (Sahamongkolfilm International Co. Ltd), Carrie Wong (Golden Network Asia Ltd), Kaï et Francis Moury.

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