samedi 4 juin 2011

L'EAU DU DIABLE: Entretien avec Amirul Ahram (Vesoul 2007)

La grande majorité des documentaires montrés durant la 13ème édition du Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul qui eut lieu du 13 au 20 février 2007, étaient des œuvres engagées, qui traitaient de situations particulièrement révoltantes. « L’Eau du Diable », du réalisateur bangladeshi Amirul Arham, en fait partie. 


 Le petit Azad, une des nombreuses victimes de l'Eau du Diable.

Fred Ambroisine : Comment êtes-vous devenu réalisateur ?

Amirul Arham : Avant de m’intéresser au cinéma,  j’ai fait des études de médecine. Je me suis ensuite dirigé vers le théâtre avant d’intégrer une école de cinéma au Bengladesh. Après avoir obtenu mon diplôme, je souhaitais approfondir mes connaissances audiovisuelles.  J’ai eu la chance d’obtenir une bourse pour venir faire la suite de mes études en France. Je suis donc arrivé ici avec ma grosse valise, 200$ en poche, en connaissant trois mots de français. Durant mon apprentissage, j’ai notamment fait un stage avec Jean Rouch et j’ai commencé à m’intéresser aux documentaires. 

 "L'Eau du Diable" de Amirul Ahram (2007)

FA : L’Eau du Diable parle d’un sujet extrêmement grave…

AA : Dans « l’Eau du Diable »,  je parle de 75 millions de personnes en Inde et au Bengladesh, qui boivent chaque jour, de l’eau contaminée par l’arsenic. Ce nombre datant d’il y a deux ans, à augmenté depuis. L’UNESCO a récemment annoncé qu’il y avait 43 pays à ce jour, dont l’eau contient de l’arsenic. Aux Etats-Unis, en Californie particulièrement, il y en a. Mais comme ils ont les moyens de filtrer l’eau, cela ne pose pas de problème. Les pays riches peuvent avoir de l’eau potable. D’un autre côté, dans les pays pauvres comme le Bengladesh, les gens sont en train de mourir. En Afrique, les statistiques montrent qu’il y a quatre litres d’eau par habitant. En Californie, il y a 1800 litres d’eau par tête. Il faut trouver un moyen pour équilibrer la balance.

 L'eau, c'est la vie. Normalement...

FA : La majorité de L’Eau du Diable est en « voice over ». Pourtant, certains passages sont en version originale avec sous-titres. Pourquoi ?

A l’origine, le film était entièrement sous-titré. Mais les co-producteurs France 5 et France 3, m’ont fait comprendre que « L’Eau du Diable » allait être diffusé à la télévision pour un public qui n’aime pas forcément lire les sous-titres. J’ai donc accepté de faire un doublage. Mais pour certains passages, je ne pouvais m’y résoudre, et j’ai réussi à imposer mon point de vue et négocier avec eux. L’émotion du passage où Rheka discute avec son fils aurait disparu si on l’avait doublé. Idem lorsqu’à l’hôpital, Nazma donne à sa sœur Asma, des nouvelles de sa petite chèvre. C’est magnifique, car les deux fillettes avaient oublié qu’on les filmait. Elles étaient vraiment dans leur monde.

 Une mère donne à boire à son fils...

FA : Lorsque vous avez eu l’accord de ces personnes pour tourner dans votre film. Etiez-vous autorisé à tout montrer ?

Avant de tourner ce film, j’avais déjà un engagement direct avec tous ces gens, à titre personnel. Je m’étais engagé envers quatre personnes : Rekha, son fils, Nazma et Asma (1). Nazma vit maintenant chez mon frère. Avant d’être des personnages de mon film, c’était des amis. Je vis avec eux. Ils font partie de ma famille.  Pour un de mes précédents films, "Les Oubliés du Bangladesh", j’ai vécu dans les bidonvilles avec les personnages. Je procède toujours de la sorte.

 Asma, toujours souriante malgré la maladie...

FA : Sur ces millions de personnes contaminées, pourquoi avoir choisi de filmer ces familles en particulier ?

Pour « L’Eau du Diable », j’ai filmé 78 heures de rushes sur 5 ans. J’ai suivi au moins 16 familles durant cette période. J’aurais pu faire une série de 16 fois 52 minutes. Mais bon, comme j’avais signé pour un documentaire, il fallait faire un choix, et surtout il fallait que j’expose le problème. Avant moi, personne n’avait parlé de cette catastrophe, qui est l’une des plus grandes qu’ait connu notre civilisation selon l'Organisation Mondiale de la Santé. J’ai choisi Rheka, car son cas est très représentatif de certains problèmes sociaux.  Son mari l’a quittée à cause de sa maladie, elle vit seule avec son fils, et gagne l’équivalent de 13 euros par mois. J’ai aussi choisi de montrer Shajahan, le chanteur, pour pouvoir donner de la couleur à ce pays, qui malgré sa pauvreté matérielle, est très riche humainement. Ces gens sont malades, mais ils réussissent à sourire et à faire preuve d’une énergie incroyable.

Propos recueillis par Frédéric Ambroisine le 15 février 2007.
Merci à toute l’équipe du Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul.

(1) Asma est morte le 1er janvier 2005.

NB: Pour louer ou acheter le film, en version française ou in English c'est ici: http://www.filmsdocumentaires.com/films/242-eau-potable-2

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