mardi 31 mai 2011

FLASHPOINT: Entretien avec Collin Chou (Décembre 2007)

Entre Le Maitre d’Armes de Ronny Yu et avant The Fordidden Kingdom avec Jet Li et Jackie Chan, Collin Chou, donc la carrière internationale a pris un bel envol depuis Matrix 2 & 3, revient temporairement à Hong Kong pour les besoins de Flash Point. Un film d’une brutalité rare, où son affrontement contre Donnie Yen, restera probablement dans les annales du cinéma d’action.

 Collin Chou dans "Flashpoint" (2007)


Vous êtes connu en Occident sous le nom de Collin Chou, mais vous avez également deux noms chinois, Chou Siu-Lung et Ngai Sing. Quel est donc votre véritable nom ?

Mon vrai nom est Chou Siu-Lung. Le nom Ngai Sing est un pseudonyme qui m’avait été donné par Sammo Hung. Je l’ai utilisé quand j’ai commencé à travailler à Hong Kong pour lui en tant qu’acteur et cascadeur, entre 1989 et 1997 (Collin Chou est originaire de Taiwan, NDR). Je n’ai jamais aimé ce nom, mais comme j’avais signé avec la société de Sammo, et que la plupart des acteurs de son équipe avaient un nom de scène, j’ai accepté d’en porter un également. Quand j’ai quitté sa société en 1997, j’ai pu enfin reprendre mon vrai nom. En ce qui concerne le prénom occidental Collin, c’est moi qui l’ai choisi car il me plaisait. 

"Lover's Tears" (1992) produit par Sammo Hung

Quand avez-vous appris l’anglais et comment avez-vous eu l’opportunité de travailler à Hollywood ?

Quand je suis arrivé aux Etats-Unis à la fin de l’année 1999, je ne parlais pas un mot d’anglais. J’ai donc commencé à prendre des cours, à raison de sept à huit heures par jours, et je travaillais aussi à temps partiel pendant cinq heures après ces cours. Un an plus tard, Yuen Woo-Ping, qui avait réglé les scènes d’action du premier Matrix, m’a demandé si j’étais intéressé pour travailler avec lui sur la pré-production de Matrix 2 & 3. J’ai accepté et passé quelques mois à travailler avec lui et les frères Wachowski sur les chorégraphies de ces deux films. Six mois plus tard, je recevais un appel téléphonique du producteur de Matrix qui me proposa de faire parti du casting. 

"Matrix Reloaded" (2003) des frères Wachovski

Flashpoint est le second film où vous affrontez Donnie Yen. Pouvez-vous nous parler de votre première rencontre avec lui ?

J’ai rencontré Donnie Yen en 1999 lors du tournage du film d’action taiwanais City of Darkness, de Lam Man-Cheung. Concernant la scène finale de ce film où nous nous battons dans la forêt, je n’ai pas eu besoin de préparation physique car j’étais déjà en pleine forme ! Donnie n’a pas réglé les scènes d’arts martiaux de ce film contrairement à Flash Point. La scène finale de City of Darkness nous a demandé seulement deux jours de travail. Cette courte durée est due au fait qu’il s’agissait d’un film à petit budget. Pour préparer cette scène, je me contentais de suivre les instructions du chorégraphe Yam Paak-Wang. Ce fut un plaisir de travailler avec lui. Sept ans plus tard, c’est Donnie Yen qui m’a personnellement contacté pour me proposer le rôle de son ennemi dans Flash Point

"Flashpoint" (2007)

Connaissiez-vous les autres films du réalisateur Wilson Yip avant de le rencontrer ?

Durant la période où je réfléchissais pour savoir si je devais jouer ou non dans  Flash Point,  la société de production hongkongaise du film m’a envoyé quelques films de Wilson Yip, que j’ai tous beaucoup aimés. Après ça, j’étais absolument impatient de travailler avec lui. Voir SPL m’a tout de suite emballé. Même si ce type d’histoire mêlant polar et arts martiaux, avait déjà été fait auparavant, Wilson a su réinviter le genre en employant différents types d’acteurs, pas uniquement spécialisé en arts martiaux, et en donnant au tout une forme nouvelle. Avec SPL et Flash Point, je pense que Wilson Yip et Donnie Yen font vraiment revivre le vrai cinéma d’action hongkongais et y apporte en plus une touche inédite.

Wilson Yip sur le tournage de "Flashpoint" (2007)

Comment avez-vous préparé votre rôle ? 

Je pense que pour être un bon acteur, il faut se donner un peu de temps avant d’aller sur le plateau de tournage, deux mois minimum si votre planning le permet. Après la lecture du scénario de Flash Point, j’ai eu besoin d’étudier un minimum la nature du personnage, et j’ai aussi discuté avec Wilson pour savoir s’il avait des demandes spécifiques concernant mon interprétation. Après ça, j’ai cherché à voir plusieurs films de genre, où apparaissent des personnages dans le style de celui que j’interprète dans Flash Point. A mes débuts à Hong Kong, j’ai appris le métier d’acteur sur le tas, en enchaînant les tournages. Mais sincèrement, je pense avoir vraiment commencé à apprendre le métier quand je suis venu aux Etats-Unis pour travailler sur Matrix 2 & 3. La Warner Bros a engagé un coach pour que je puisse faire progresser mon jeu d’acteur. Après ça, j’ai acheté quelques livres sur la méthode Stella Adler qu’elle m’avait enseigné et travaillé avec un professeur de son école à Los Angeles. 

"Flashpoint" (2007)

Le tournage de l’impressionnant combat final de Flash Point a dû être particulièrement éprouvant ?  

Tout à fait. Et de façon générale, la préparation et le tournage de toutes les scènes d’action de Flash Point, furent très brutaux et douloureux. Elles m’ont demandé un énorme temps de préparation. Du coup, j’ai plus souvent travaillé avec Donnie Yen, que Wilson Yip. C’est un grand défi pour un acteur comme moi, de prouver que je suis toujours capable physiquement de tourner dans de vrais films d’action hongkongais de haut niveau. Depuis que je travaille à Hollywood, on ne me permet plus de faire des choses trop dangereuses. Aujourd’hui, il est très rare de voir de vrais acteurs exécuter sans doublures de telles scènes de combats face à la caméra. 

 Donnie Yen contre Collin Chou dans "Flashpoint" (2007)

Combien de temps de préparations et de tournage ont nécessité la scène de poursuite avec gunfights, ainsi que celle du combat final ?

Nous avons travaillé sur la scène finale pendant à peu près un mois et demi. Cette durée inclut la préparation et les répétitions. La scène de la poursuite avec gunfight nous a pris un peu plus d’une semaine. Je ne sais pas si ça se sent dans le film, mais le lieu et les conditions étaient loin d’être agréables. Nous avions tous d’énormes difficultés à travailler sur cette scène. Chacun a donné son maximum pour qu’elle soit réussie.

 "Flashpoint" (2007)


Avez-vous été blessé sur le tournage de Flash Point ?

Evidemment, mais pas au point d’aller à l’hôpital. A Hong Kong, nous disons toujours en plaisantant que, sur ce type de films, si on ne se retrouve pas à l’hôpital, c’est que l’on est très chanceux. Mais en général, malgré toutes les blessures que nous pouvions avoir, personne ne s’est plaint.

Propos recueillis par Frédéric Ambroisine en décembre 2007.
Remerciements : Mandarin Films & Convergence Entertainment.

mardi 24 mai 2011

BREAKING NEWS: Entretien avec Johnnie To (Cannes 2004)

Pour beaucoup, Johnnie To est considéré un peu aujourd'hui comme le dernier espoir du cinéma de genre "Made in Hong Kong". C'est également un des rares de sa trempe à ne pas - encore - avoir tenté d'escapade hollywoodienne comme ses confrères John Woo, Ringo Lam, Tsui Hark ou Kirk Wong. La reconnaissance internationale de Johnnie To s'est faite d'une autre façon, en 2004, durant le 57ème Festival de Cannes grâce à la sélection de Breaking News (dont la sortie prévue dans les salles françaises le 20 avril 2005). C'est là que nous avons pu rencontrer ce cinéaste aussi prolifique que surprenant…


Fred Ambroisine : Breaking News n'est même pas encore sorti à Hong Kong, qu'un remake américain est déjà annoncé. Que pensez-vous de cette nouvelle mode, de refaire des films asiatiques, proviennant autant de Hong Kong - Infernal Affairs - que de Corée - Old Boy & 2 Sœurs - ? Hollywood est à cours d'idées selon vous ?

Johnnie To : Ah, les remakes... oui, ce sont des choses qui arrivent de plus en plus fréquemment. La demande du marché est très forte en ce qui concerne les droits des films asiatiques à Hollywood. Les réalisateurs commencent à se rendre compte de la valeur de leurs idées à l'étranger. De ce point de vue, c'est un grand encouragement, et il n'y a pas de quoi se plaindre. Ce serait un peu gonflé de dire que Hollywood "vole" les idées du cinéma asiatique, car ce n'est pas vrai. Pendant longtemps, le cinéma de Hong Kong n'a pas arrêté de reprendre des formules du cinéma américain…


FA : Depuis quelques années vous alternez les comédies romantiques ultra commerciales (Needing You, Love and A Diet...) et les polars personnels au style expérimental (The Mission, PTU…). Breaking News semble posséder à la fois un côté commercial et personnel. Etes-vous d'accord ?

JT : En général, quand je tourne un film commercial, c'est pour avoir la possibilité de pouvoir réaliser dans la foulée une œuvre personnelle qui ne marchera pas forcément au box-office. Sans cette technique, des films comme The Longest Nite (NDR : que Johnnie To co-réalisa officieusement avec Patrick Yau) ou Expect the Unexpected, n'auraient pas pu exister. De nos jours, les films commerciaux sont, en général, oubliés du public après cinq ans.


Donc, je sais qu'au final, ce sont mes films personnels qui resteront dans les mémoires…Concernant Breaking News, le film a été conçu comme une œuvre commerciale. A la base, les investisseurs voulaient que je fasse un film pour le grand public. Mais comme vous le savez, j'ai une très grande affection pour le polar, et je n'ai pas pu m'empêcher d'inclure mon style particulier à cette histoire pour lui donner une autre dimension. Vous avez tout à fait raison, Breaking News possède à la fois une sensibilité commerciale et mon style personnel, et ce mélange me satisfait pleinement.

FA : Avez-vous tenté de retrouver l'esprit des films d'action des années 80/90 comme The Big Heat (1988 - produit par Tsui Hark) ou ceux des polars de Ringo Lam et Kirk Wong par exemple ?

Johnnie To : Même si son côté réaliste et brut peut le laisser penser, Breaking News n'est pas vraiment un hommage aux polars d'antan. Au contraire, en faisant ce film, mon intention était d'apporter quelque chose de nouveau au genre. Les polars "à l'ancienne" de Hong Kong traitaient surtout des problèmes de la bureaucratie policière. Ce thème a été répété un nombre incalculable de fois. Si on me l'avait proposé, j'aurais refusé.


FA : Vous êtes vous inspiré de faits réels pour créer l'histoire de Breaking News ?

JT : Le côté réaliste de Breaking News est un des aspects du film auquel je tenais absolument. Par exemple, la façon dont les officiers de police prennent en main les opérations, est basée sur des recherches très approfondies. Le film suit avec détail les procédures policières en se rapprochant le plus possible de la réalité. Prenons le cas de la scène de fusillade dans l'immeuble. Celle-ci est inspirée à 100% de faits réels. Par le traitement réaliste de la mise en scène, je voulais que le public comprenne qu'il ne s'agit pas uniquement de pure fiction. Je voulais donner au public l'impression a un reportage télévisé en direct. C'est pour cette raison que je n'ai pas voulu utiliser de véritables effets spéciaux pour Breaking News, mais uniquement des fusillades et des effets pyrotechniques "à l'ancienne". Je souhaitais que le réalisme du film se ressente à 100%.


FA : Le méchant du film, joué par Richie Jen, n'est pas vraiment maléfique. On pourrait même le trouver sympathique par moment. Au contraire, le personnage de Kelly Chen est plutôt antipathique. Pourquoi ce choix ?

JT : Je suis d'accord avec votre commentaire sur l'inversion entre le bon et le méchant. Le personnage de Richie est un voleur. Un bandit qui, à la base, ne cherche pas à tuer. Tout ce qu'il veut, c'est voler. S'il ne pouvait faire que ça, il le ferait. Je pense qu'il n'est pas si mauvais dans le fond. Par contre, la motivation du personnage de Kelly, c'est la victoire. Son but est de gagner la confiance de la population par le biais de la télévision. Pour cela, elle est prête à faire tout ce qui est en son pouvoir. Effectivement, le fait de manipuler les médias n'est pas vraiment sympathique, mais ce n'est pas quelque chose d'illégal non plus. Dans Breaking News, il n'y a pas vraiment de gentils ou de méchants, il y a juste des personnages avec des motivations différentes. Ces motivations mèneront les protagonistes à une confrontation inévitable.


FA : C'est la première fois que vous travaillez avec Richie Jen et Nick Cheung ? Comment les avez-vous choisis et dirigés ?

JT : C'est un film qui relate les interactions entre gangsters et policiers. Les comédiens étaient déjà bien préparés avant le début du tournage. Pour qu'ils le soient plus encore, nous avons fait des répétions du plan séquence initial. J'ai donc commencé à tourner cette scène, techniquement très difficile, en premier, histoire de les mettre dans le bain. Je n'ai pas choisi ces comédiens, ils m'ont été imposés par la société de production Media Asia. Mais de toute façon, en tant que réalisateur, j'aime travailler avec de nouvelles têtes. Si je ne faisais que diriger toujours les mêmes gens, je pense que je perdrais la fraîcheur de notre collaboration.


Propos recueillis à Cannes (mai 2004) par Frédéric Ambroisine. Remerciements à Céline Petit & Sophie Bataille.